Les décisions du conservateur de la propriété foncière
Fatima Afkir
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Les décisions du conservateur de la propriété foncière
Fatima Afkir
Etudiante chercheuse en : Master droit immobilier et notarial
Faculté de droit
Marrakech
Le conservateur de la propriété foncière est le chef orchestre de la procédure
d’immatriculation des immeubles
réglementée par la loi 14/07 qui a apportée des amendements modifiant et
complétant le dahir du 12 août 1913[1].
En effet, le conservateur de la
propriété foncière est chargé de plusieurs missions, il veille au déroulement rapide de la procédure
de l’immatriculation foncière, aussi il procède, sur réquisition, aux
inscriptions des actes et droits que la
loi soumet à la publicité et aux radiations correspondantes.
Il est tenu de vérifier sous sa responsabilité l’identité et la capacité
du disposant, ainsi que la régularité, tant en la forme qu’au fond, des pièces
produites à l’appui de la réquisition.[2]
Ainsi, il est chargé de s’assurer que l’inscription objet de la
réquisition, n’est pas en opposition avec les énonciations du titre foncier.[3]
Cependant, il est seul compétent pour prononcer une décision de refus de l’immatriculation d’un bien, ainsi
que le refus de l’inscription d’un droit réel ou sa radiation .Ses décisions sont par excellence des décisions administratives
qui sont soumises à un contrôle juridictionnel administratif exceptionnellement
exercé par les juridictions civiles.
Quelles sont les décisions du conservateur de la propriété foncière qui
pourraient faire l'objet d’un recours devant les juridictions civiles ?
Le rejet
de la réquisition de l’immatriculation
Est-ce que le conservateur
peut rejeter l’immatriculation d’un bien immeuble ?
L’article 37 de la loi 14/07
précise que dans tous les cas où le conservateur de la propriété
foncière rejette la réquisition d’immatriculation, sa décision doit être
motivée et notifiée au requérant. Cette décision est susceptible de recours
devant le tribunal de première instance qui statue à charge d'appel. Les arrêts
rendus sont susceptibles de recours en cassation[4] »
Parmi Les cas où le conservateur
rejette l’immatriculation d’un bien
immeuble :
Le manque des pièces présentées pour justifier les prétentions du
requérant;
Si l’immeuble était déjà immatriculé;
Lorsque le bien immeuble fait
l’objet d’une délimitation administrative.
Lorsque le bien immeuble faisant partie de la propriété du habous, dans
la plupart des cas le conservateur de la propriété foncière ne constate pas au
début le caractère habous de l’immeuble ce n’est qu’après le déroulement de la
procédure du bornage qu’il découvre que l’immeuble est un bien habous.
Il ne faut confondre entre le rejet d’une réquisition d’immatriculation
et son annulation , cette dernière n’a lieu qu’après le dépôt du requérant de la réquisition d’immatriculation
auprès de la conservation foncière et ce dernier n’assiste pas aux opérations du bornage sans excuse valable
dans le mois qui suit la sommation qui lui est adressée.[5]Dans ce cas sa
réquisition est annulée.
Dans tous les cas, si le
conservateur de la propriété foncière a refusé l’immatriculation d’un bien
immeuble toute en se basant sur une décision judiciaire le problème ne se pose
pas, par exemple : le cas d’une
opposition jugée non valable.
Dans le cas ou l’opposition est jugée valable et le conservateur de la
propriété foncière a refusé l’immatriculation du bien immeuble au nom de
l’opposant sa décision fera l’objet d’un recours en annulation pour excès de
pouvoir devant les juridictions administratives du fait de non exécution d’une
décision judiciaire définitive prouvant les conditions de la constitution d’un
titre foncier.
Force est de constater que le refus ou l’acceptation d’une réquisition
d’immatriculation reste sous l’appréciation du conservateur de la propriété
foncière et seul compétent en la matière.
Refus d’inscription ou la
radiation d’un droit réel
Est-ce que le
conservateur de la propriété foncière
peut refuser l’inscription ou la radiation d’un
droit réel immobilier ?
L’article 96 de la loi 14/07
dispose que : « Dans tous les cas où le
conservateur de la propriété foncière refuse
l’inscription ou la radiation d’un droit réel, sa décision doit être
motivée et notifiée à l’intéressé. Cette décision est susceptible de recours
devant le tribunal de première instance qui statue à charge d’appel. Les arrêts
rendus sont susceptibles de recours en cassation ».
Il résulte de cet article que le législateur marocain a obligé le
conservateur de la propriété foncière qu’en cas de refus de l’inscription d’un
droit réel ou sa radiation de motiver sa décision et la notifier à l’intéressé
.Ainsi, il a accordé au requérant qu’en cas de refus de l’inscription de son
droit réel ou la radiation d’un droit qui n’existe plus de recourir au tribunal de première
instance tout en demandant l’appréciation
de la décision du conservateur et sa conformité avec l’esprit de justice
et l’Etat de droit. Par exemple : la radiation d’un droit d’usufruit qui est éteint pour les causes prescrites dans le
code des droits réels.
La procédure judiciaire à suivre pour exercer le recours contre la
décision du refus d’inscription est fixé par l’article 10 de l’arrêté viziriel
du 03 juin 1915 modifié par l’arrêté du 08 décembre 1947, formalités
restreintes, délai d’appel déjà réduit à
un mois[6].
Quant à la décision de refus de radiation, La cour de cassation a rendu
dans son arrêt n°1111 du 28 février 2012
que « l’acheteur d’un bien
immeuble qui fait l’objet d’une vente d’adjudication, grevé d’un droit
d’usufruit peut demander au conservateur
de la propriété foncière la radiation dudit droit sur le titre foncier tant
qu’il est éteint pour les causes
prescrites dans le code des droits réels, comme le cas de la mort de
l’usufruitier[7]
La force probante du jugement tendant
à la conservation du droit
d’usufruit sur l’immeuble immatriculé
est fondée tant que les causes de son extinction n’existe plus, dans le cas
contraire l’intéressé peut demander la radiation de ce droit sur le titre
foncier »[8].
Ajoutant que les parties qui font recours contre la décision de refus
d’une inscription produite par le conservateur ont intérêt de demander
l’inscription sur les livres fonciers d’une pré-notation, et ce, pour la protection provisoire de leurs
droits[9].
En effet, il existe des cas où le conservateur peut refuser
l’inscription d’un droit, il s’agit de :
Refus de l’inscription d’un acte sous seing privé non égalisé : la cour
de cassation a rendu dans son arrêt en 03/08/2000 que « Le fait que le
conservateur de la propriété foncière a refusé l’inscription d’un contrat de
vente formé dans un acte sous seing
privé non égalisé sur le titre foncier
est légale tant qu’elle a respectée les dispositions de l’article 73 du dahir
de 12 août 1913 »[10].
Refus de l’inscription pour la non-conformité des pièces justificatives
produites avec l’état de l’immeuble. La cour de cassation a rendu dans son
arrêt n°4257 du 4 octobre 2011 « le
conservateur de la propriété foncière doit s’assurer que l’inscription est conforme
aux énonciations du titre foncier et cela par application des dispositions de
l’article 74 du dahir de l’immatriculation foncière , attendu que la situation
juridique de l’immeuble est en
opposition avec la réquisition portant sur l’inscription d’un acte
d'hérédité d’un défunt qui n’est plus
propriétaire dudit immeuble, donc le refus du conservateur de l’inscription de
ladite dévolution est conforme à la loi… »[11].
Reste à signaler que, le
conservateur de la propriété foncière ne peut procéder à la radiation d’un
droit sur le titre foncier que si le requérant a délivré les pièces justifiant
sa demande dans ce cadre là , la cour de
cassation a rendu dans son arrêt n°1699 du26 juillet1989 que « le conservateur ne peut radier ce qui a été inscrit sur le
titre foncier que sur la base d’un
contrat ou jugement définitif, justifiant l’extinction ou l’inexistence d’un
droit qui était inscrit sur le titre foncier et cela, sur la base de l’article
91 du dahir de 12 août 1913 »[12].
Enfin, On peut déduire
que les articles 37 bis et 96 ont assurés des garanties pour le
requérant en cas de refus de l’immatriculation ou l’inscription de son droit,
ce dernier peut exercer un recours
contre la décision du conservateur devant le tribunal de première instance.
Ainsi on peut constater que le législateur
marocain a renforcé la compétence du juge civil en matière administrative.
les renvois
--------
[1] Dahir n° 1-11-177 du 25 hija 1432 (22 novembre2011) portant
promulgation de la loi n° 14-07 modifiant et complétant le dahir du 9 ramadan
1331 (12 août 1913
[2] Article 72 de la loi 14/07
[3] Article 74 de la loi 14/07
[4] Article 37 du Dahir n° 1-11-177 du 25 hija 1432 (22 novembre2011)
portant promulgation de la loi n° 14-07 modifiant et complétant le dahir du 9
ramadan 1331 (12 août 1913
[5] Article 23 de la loi 14/07
[6] Paul Decroux « droit foncier marocain » TOM III, 2éme Edition, la
Porte 1977 page 182
[7] Voir l’article 79 du DAHIR
n°1.11.178 du 22 novembre 2011 formant la loi 39.08 publié dans le bulletin officiel n°5998.
[8] قرار
محكمة النقض عدد 1111 الصادر بتاريخ 28 فبراير 2012 في الملف المدني عدد665/1/8/2011
منشور بمجلة "ملفات عقارية " مطبعة
الأمنية بالرباط عدد 2 سنة 2012 ص 78 " traduction personnelle
»
[9] Aissam Zine-Dine « la réforme
apportée par la loi 14/07 face aux dysfonctionnements du régime de
l’immatriculation foncière » imprimerie NAJAH
Al Jadida Casablanca, Première
Edition 2014 page 178.
[10] قرار المجلس الأعلى " محكمة النقض حاليا"
عدد:1031 المؤرخ في 8/3/2000 ملف مدني عدد :
616/1/1/99 منشور في " قضايا المنازعات
العقارية " سلسلة المعارف القانونية و القضائية " ، منشورات مجلة الحقوق الطبعة 2014 ص 132 » Traduction personnelle »
[11] قرار
عدد 4257 الصادر بتاريخ4 أكتوبر 2011 في الملف المدني عدد 3793/1/1/2009 منشور بمجلة
"ملفات عقارية مطبعة الأمنية بالرباط عدد 2 سنة 2012 ص 119 " traduction personnelle »
[12] Arrêt n°1699 du 26 juillet 1989 dossier n°87/3419 publié dans la
revue « la cour suprême en matière
d’immatriculation durant 40 ans » «
ouvrage en arabe, traduction personnelle »